
Je ne sais pas si c’est moi…
ou la vie…
ou juste cette brume étrange entre deux saisons.
Mais ce matin, je me réveille confuse.
Quelque chose en moi ne trouve plus son centre.
Et pourtant, tout semble “bien”.
J’ai une maison.
Un corps en bonne santé.
Des repas chauds, une île magnifique autour de moi.
Mon mari est là, aimant, présent.
Mes deux chattes ronronnent, paisibles, pleines de confiance.
Ma famille va bien.
Tout est là. Et pourtant… moi, je ne suis pas là.
Je regarde des séries quand mon corps a envie de danser.
Je m’éloigne de la nature alors qu’elle m’appelle doucement.
Je rêve d’enseignements, de partages…
et je m’abandonne dans le silence.
Je pense à la nourriture. Beaucoup trop.
Pas pour nourrir mon âme,
mais pour remplir un vide que je n’arrive pas à nommer.
Je cuisine pour les autres.
Par amour, oui.
Mais aussi par devoir.
Je touche ce que je ne veux plus toucher.
Je prépare ce que mon cœur ne digère plus.
Je rêve d’être comme cette nonne coréenne,
celle qui cuisine en silence, pour l’âme, pour l’instant.
Mais moi, je remplis les assiettes…
et je me vide un peu plus chaque jour.
Je porte une responsabilité que je n’ai pas choisie.
Elle s’est imposée à moi, à nous,
comme un contrat tacite avec la vie.
Je l’ai accueillie avec courage…
mais en silence, elle a grignoté ma joie.
Elle m’a éloignée de mon feu, de mon centre, de ma danse.
Et j’ai oublié quelque chose de précieux.
Ce que les Italiens appellent il dolce far niente.
La douceur de ne rien faire.
Ce moment suspendu où l’on ne produit rien,
mais où l’on existe pleinement.
Je l’ai troquée contre des listes, des gestes mécaniques,
des tâches vides qui me fatiguent sans me nourrir.
Alors je t’écris, à toi.
Toi, la part de moi que j’ai perdue en chemin.
Toi, qui respirais plus lentement.
Toi, qui dansais juste pour le plaisir.
Toi, qui parlais aux nuages.
Toi, qui ne faisais pas pour être aimée —
mais qui faisais parce que tu étais vivante.
Je ne veux plus te fuir.
Je ne veux plus me fuir.
Je ne suis pas brisée.
Je suis juste fatiguée d’avoir oublié.
Et je dois l’écrire ici, à voix nue :
Je rêve de transmettre.
De partager ce que je ressens, ce que j’apprends, ce que je transforme.
Mais autour de moi, parfois, il n’y a que le silence.
Une île endormie. Des portes closes.
Et alors je doute. Je me tais. Je fais semblant.
Mais au fond, je n’ai jamais cessé d’y croire.
Même dans le silence,
j’ai quelque chose à dire.
Et aujourd’hui, je choisis de l’écrire.
Non pour convaincre, mais pour exister.
Pour commencer. Pour m’honorer.
Un mot après l’autre.
Un souffle après l’autre.
Une lettre pour me retrouver.
— Inna