
Il fut un temps où je te craignais.
Tu pesais sur mes épaules comme un retard.
Comme un écart entre moi et le rythme du monde.
Je te voyais comme une barrière à franchir,
un poids à délester,
un défaut à corriger.
Mais aujourd’hui, je comprends.
Tu n’étais pas l’obstacle.
Tu étais la porte.
Et j’ai couru si longtemps que je n’ai pas vu qu’elle était déjà entrouverte.
Dans un monde qui brûle d’impatience,
qui célèbre la rapidité comme une vertu,
je t’ai abandonnée, comme on abandonne une amie d’enfance trop douce pour ce siècle.
Mais c’est toi qui me ramènes.
À l’essentiel.
Au sacré.
À ce qui ne crie pas mais soutient tout.
Tu es le chant silencieux du corps quand il dit : assez.
Tu es cette sagesse ancienne que la terre porte en mémoire.
Tu es Kapha, dans toute sa profondeur :
stable, ancrée, enveloppante,
comme les bras d’une mère qui ne demandent rien,
juste d’être là.
Tu me rappelles que le silence est guérison.
Que l’immobilité peut déplacer des montagnes intérieures.
Que le temps n’est pas un ennemi,
mais un allié —
si on sait l’écouter.
Je veux cesser de te fuir.
Je veux t’accueillir comme on accueille une pluie lente après une longue sécheresse.
Je veux marcher à ton rythme,
sans devancer mes pas,
sans brusquer le souffle.
Avec toi, tout devient offrande.
Un repas. Un regard. Une respiration.
Tu fais de chaque geste un rituel,
de chaque transition un enseignement.
Ma lenteur,
je ne te demande plus de revenir.
Je te demande de rester.
De me retenir doucement chaque fois que je m’oublie.
De me guider vers ce lieu en moi
où le feu s’apaise,
et où la paix ne fait plus peur.
-Moi
Inna



