Lettre #36 — À ma frustration

A serene and moody bedroom scene showcasing a person resting with an arm draped over the bed.

Black and white portrait exploring identity and emotion through mirror reflections.

Bonjour, soleil.

Ce matin, je me suis réveillée avec toi, frustration.

Tu t’es glissée entre mes pensées, accompagnée d’une pointe de tristesse, et peut-être… d’un léger goût d’envie. Pas une jalousie amère, non, mais ce sentiment d’être en marge, loin de là où je voudrais être.

Mon époux m’a envoyé une photo depuis Seward, le port où je devrais embarquer.

Et moi, je suis ici, à attendre.

À cause du retard du visa, je reste immobile, essayant de préserver ma bonne humeur… mais je brûle de désir d’être à ses côtés. Alors, je me sens écartée, mise de côté, et j’envie tous ceux qui peuvent partager sa présence.

Dans la philosophie bouddhiste, on dirait que tu es née d’un désir insatisfait : vouloir que les choses soient différentes de ce qu’elles sont.

Tu es le reflet de mon attachement à un moment, à une image, à un scénario.

Et comme tous les attachements, tu portes en toi à la fois une douleur et une leçon.

Je me demande : est-ce vraiment de la frustration ?

Oui, sans doute.

Être née dans un pays où les démarches sont longues et complexes rend chaque voyage plus difficile.

Un visa retardé, un vol à changer, des frais imprévus… et mes pensées tournent en boucle.

Je sais que nous naissons là où nous devons être, pour des raisons qui dépassent notre compréhension, afin de vivre les fruits et les dettes de nos vies passées.

Autrefois, nous passions beaucoup de temps ensemble.

Il suffisait d’une petite remarque ou d’une erreur minuscule, et tu surgissais de nulle part.

Alors je te pose la question : pourquoi es-tu revenue aujourd’hui ? Qu’est-ce qui t’a appelée ?

Je sais qu’il est normal que les choses ne se déroulent pas comme prévu. Qu’il arrive de se tromper. Mais pourquoi est-il si difficile d’accepter cela sans retomber dans tes bras ?

J’aimerais t’apprivoiser.

T’expliquer doucement qu’il est possible d’être en paix même quand on n’est pas au centre, même quand on n’a pas encore ce que l’on rêve d’avoir.

Car rien n’arrive par hasard. Cela signifie peut-être que mon heure est passée… ou qu’elle n’est pas encore venue. Peut-être qu’une autre mission m’attend ici, maintenant.

Alors, dis-moi, frustration, comment pouvons-nous faire la paix ?

Comment pouvons-nous apprendre à nous réjouir sincèrement des victoires des autres, à goûter pleinement ce que nous avons déjà, à être heureux dans la simplicité du quotidien ?

Je rêve que toi et moi, un jour, nous puissions sourire ensemble — non plus à cause du manque, mais à cause de l’abondance de ce qui est déjà là.

-Moi

Inna

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